Quand Ségolène Royal se prend (encore) les pieds dans le tapis

Je n'étais pas au courant, je l'ai découvert dans Libé. Ségolène Royal a encore frappé très fort - les guignols de l'info vont la mettre en pièce - en déclarant que 40% des personnes sourtenues par les Restos du Coeur sont des salariés, alors que tout semble démontrer qu'il s'agit d'un chiffre fantaisiste. Cette nouvelle bévue a malheureusement de nombreuses conséquences :

- D'abord, elle jette le discrédit sur la classe politique, sur l'opposition en général et sur les socialistes en particulier. Cela peut donner à penser que la gauche est à côté de ses pompes, incapable de s'opposer à la droite, qu'elle est en décalage avec les réalités quotidiennes des Français ou, pire encore, qu'elle est prête à manier sans vergogne de fausses statistiques économiques pour servir son discours.

- Ensuite, cette affirmation pose problème car elle part d'un constat globalement partagé à gauche, celui de la popérisation des salariés, ce que l'on appelle depuis longtemps en Angleterre ou aux Etats-Unis d'Amérique les "working poors" : ceux qui sont pauvres malgré le fait qu'ils travaillent, avec parfois plusieurs emplois. C'est pourtant un phénomène que nous devons combattre avec intelligence, pas avec des effets de manche.

- Enfin, puisqu'il s'agit pour Ségolène Royal de dénoncer la situation économique et sociale, je crains que le fait de chercher à choquer l'opinion avec de tels chiffres relève davantage d'un appel aux émotions des téléspectateurs plus qu'à leur réflexion. Or, je suis convaincu que, parmi ce qui fait la différence entre la gauche et la droite, l'explication et la rationnalisation d'une situation économique et sociale complexe sont plus émancipatrices que l'utilisation de formules abusives, même si la formule sert aussi le discours.